Présentations d'album

J'ai écrit des présentations d'album et/ou des notes de pochette pour Haléïs, Michèle Pierre, le duo Brady, Prospectus, Mad Maple, Simone... Ci-dessous, l'exemple de Mad Maple.

Mad Maple, un projet de Séverine Morfin

Avec Élodie Pasquier (cl), Guillaume Magne (g), Céline Grangey (bandes), Séverine Morfin (alto)

Version longue :

Si les arbres pouvaient donner leur point de vue sur l’état du monde, que diraient-ils ? Peut-être s’apercevrait-on qu’ils sont devenus fous… Nourrie par les travaux de Baptiste Morizot, Philippe Descola ou Vinciane Despret, Séverine Morfin interroge dans Mad Maple notre rapport à la nature et aux sons — des sons de la nature à la nature des sons.

Mêlant écriture et improvisation, Mad Maple se présente sous la forme de trois suites pour alto (Séverine Morfin), guitare (Guillaume Magne), clarinette, monotron (Élodie Pasquier) et bandes sonores (Céline Grangey). Composées comme une quatrième voix, ces bandes comprennent un montage de sons de forêt, de glacier et de tempête, ainsi que de l’alto et du monotron, dans une démarche qui s’inspire à la fois du field recording et de la musique concrète. Fascinée par les sons et par les archives (elle a une Maîtrise d’Histoire), Séverine Morfin s’intéresse depuis longtemps au versant sonore du monde. Son solo d’alto Chorèmes (2015), qui désigne en géographie la représentation schématique d’un espace, mobilisait déjà des enregistrements. Ici, les bandes sont jouées par Céline Grangey grâce aux GRM Tools de l’INA. Manipulées, modulées et spatialisées (en différé sur l’album ; en temps réel et en multi-diffusion immersive en concert), elles prennent vie au même titre que les instruments.

Même si elle habitée par le souci de l’état de la terre (le glacier que l’on entend d’effondrer dans « glacés » a déjà disparu), la musique de Mad Maple est joyeuse, et d’une intense poésie. Le vent souffle avec l’alto, les oiseaux de la forêt chantent aux côtés de la clarinette, un glacier dialogue avec la guitare… Grâce à un travail sur le recouvrement des timbres, on ne sait plus à qui appartient tel ou tel son. À la fin de « glacés », la guitare se met à ressembler à un alto joué pizzicato ; « dans la forêt », la clarinette s’envole dans les suraigus et flirte avec ses propres limites. Cette multiplication et cette indistinction des sources confèrent à la musique une épaisseur, une douce densité, et, paradoxalement, une simplicité et une évidence. Dans Mad Maple, les sons sont tous accueillis de la même manière, et les quatre voix se fondent en un même corps mouvant et vivant.

Le maple, c’est aussi l’érable dont l’alto de Séverine Morfin est (entre autres) fait. Il a été fabriqué spécialement pour elle par le luthier Patrick Charton, à qui le morceau « les murmures » est dédié. Du bois de l’instrument au bois de la forêt, Mad Maple nous reconnecte aux éléments naturels — le vent, l’eau, les arbres. Nous faisons partie du tout, semblent dire ces paysages imaginaires. En réactivant un rapport vibratoire à notre environnement, Mad Maple donne naissance à un nouveau monde.

Version courte :

Si les arbres pouvaient donner leur point de vue sur l’état du monde, que diraient-ils ? Peut-être s’apercevrait-on qu’ils sont devenus fous… Mêlant écriture et improvisation, Mad Maple interroge notre rapport à la nature et aux sons. Au fil de trois suites d’une intense poésie, l’alto (Séverine Morfin), la guitare (Guillaume Magne), la clarinette et le monotron (Élodie Pasquier) dialoguent avec des enregistrements de sons de forêt, de glacier et de tempête (Céline Grangey). Conçus comme quatre voix à part entière, tous se fondent en un même corps mouvant et vivant, conférant à la musique une épaisseur joyeuse, une douce densité et une certaine évidence. Nous faisons partie du tout, semblent dire ces paysages imaginaires. En réactivant un rapport vibratoire à notre environnement, Mad Maple donne naissance à un nouveau monde.