Depuis 2015, je m'intéresse à la question de l'égalité femmes-hommes dans le jazz et le spectacle vivant à travers des articles, des tables rondes, une exposition, etc. Ci-dessous, une présentation des "Elles" du Jazz, une action culturelle développée avec l'Orchestre National de Jazz, et un extrait d'une conférence.
Égalité femmes-hommes dans le jazz
Les "Elles" du Jazz
L’histoire du jazz, comme toutes les autres, s’est écrite au masculin. Or, il a toujours existé des femmes, instrumentistes, chanteuses ou compositrices, qui ont apporté leurs plumes aux ailes du jazz. Pour contribuer à valoriser les femmes artistes d'hier et d'aujourd'hui, l’Orchestre National de Jazz a mis en place un projet de médiation destiné au départ aux adolescent.e.s de 13 à 17 ans mais adaptable à tous les publics : Les "Elles" du Jazz.
Prenant la forme d’un puzzle interactif, ce projet met en lumière 12 figures féminines du jazz issues de multiples époques, styles et nationalités : Bessie Smith, Billie Holiday, Sister Rosetta Tharpe, Mary Lou Williams, Melba Liston, Dorothy Ashby, Carla Bley, Ingrid Laubrock, Sarah Murcia, Airelle Besson, Leïla Martial, Sun-Mi Hong.
Un site internet dédié complète et prolonge le puzzle, avec, pour chaque figure, une sélection de morceaux, d'archives vidéos, une bibliographie indicative et une biographie complète. Chaque musicienne est associée à cinq "médaillons", autant d’indices permettant de retracer sa trajectoire et d’appréhender son influence dans l’histoire du jazz.
Cet atelier a été mené au Collège Jean-Baptiste Clément (Paris 20e), au Théâtre Silvia Monfort (Paris 15e), aux Journées du Matrimoine organisées par l'association HF Île de France (Paris 6e) et dans des lycées de l'agglomération de Nevers.




Une classe, un puzzle, 12 musiciennes et compositrices de jazz. Ce projet de médiation conçu, développé et animé en collaboration avec l'Orchestre National de Jazz est une invitation à la (re)découverte d'artistes féminines méconnues ou injustement oubliées.
Aux Journées du Matrimoine HF Île de France, septembre 2025 © Ariane Mestre


"Le jazz s’est longtemps défini et se définit encore comme une musique d’hommes. Par rapport à d’autres musiques, il se démarque par l’importance historique qu’y a tenu une certaine mythologie masculine : la tradition des jam sessions est empreinte d’une forte dimension compétitive ; les valeurs classiques du jazz correspondent à des valeurs viriles (rapidité, virtuosité technique, performance physique, entreprise de soi, etc.) ; et, comme dans les autres domaines de la vie, les quelques femmes qui ont joué un rôle important dans cette musique ont soigneusement été effacées de l’histoire. [...]
Par rapport aux hommes, les femmes doivent faire face à un obstacle supplémentaire dans leur parcours : les stéréotypes négatifs qui pèsent sur elles. Certains de ces stéréotypes sont aussi partagés par les femmes — les comportements sexistes ne sont malheureusement pas réservés aux hommes, loin de là. Le réflexe le plus largement partagé par les hommes comme par les femmes est de considérer qu’une femme est incompétente par défaut. Le résultat est l’obligation de devoir constamment faire ses preuves, quand bien même on serait une artiste brillante et reconnue. Fréquemment réduites à leur apparence (sinon carrément à des objets sexuels) les femmes sont très souvent perçues avant tout comme des femmes. [...]
Voici une liste non exhaustive de choses qui arrivent encore aux femmes dans le monde du jazz — et ailleurs — aujourd'hui. Quand vous êtes une femme, les hommes sont susceptibles de : parler à votre place ; s’adresser
Au festival Jazzèbre, Perpignan, 2022
à l’homme qui est avec vous et pas à vous ; vous expliquer des choses que vous savez déjà ; ne pas vous écouter, ni quand vous parlez, ni quand vous jouez ; chercher une validation masculine à vos suggestions ou remarques ; faire des commentaires sur votre apparence ; laisser entendre ce qu’ils aimeraient bien vous faire dès la première rencontre ou dans un contexte totalement inapproprié ; laisser leurs mains un peu trop longtemps dans des endroits où elles ne devraient pas être du tout (les hanches par exemple) ; faire des blagues sur vous en votre présence, soit en faisant comme si vous n’étiez pas là, soit en vous regardant dans les yeux, par provocation ; ou simplement être gêné par votre présence, considérée comme intrusive parce qu’elle les empêche d’être entre mecs.
Certains de ces comportements sont très nettement amplifiés par la présence de témoins mâles. À l’inverse, un homme charmant en société — en particulier devant ses copains — peut se révéler insistant ou abusif en privé.


Animation de la table ronde "Les femmes dans le monde du jazz : à la recherche d'une représentation paritaire" au festival Constellations, Paris, 2022. Avec, de droite à gauche : Alexandra Grimal (saxophoniste), Émilie Delorme (CNSM), Margaux Hardoin (ex-Grands Formats), Tatiana Paris (guitariste), Nadia Ratsimandresy (Futurs Composés), Hannah Tolf (chanteuse) et Émilie Lesbros (chanteuse).
La place des femmes dans le jazz
Cette conférence, régulièrement complétée et actualisée, a été prononcée au D'Jazz Nevers Festival (Nevers), à Vague de Jazz (Sables d'Olonne), à Jazzèbre (Perpignan) et dans le cadre de la saison de la Sturm Production (Strasbourg). Extrait.
Je ne suis pas musicienne, mais toutes ces choses (sauf une) me sont personnellement déjà arrivées. Par exemple je ne compte plus le nombre d’hommes qui, après appris que j’étais journaliste de jazz, ont entrepris de m’expliquer l’histoire de cette musique. J’ai également remarqué une nette différence de comportement quand je me déplace (en concert, en festival, etc.) seule ou accompagnée : dès que je suis accompagnée, on ne s’adresse plus à moi directement, mais à l’homme qui est avec moi. Je peux vous dire que la sensation de ne pas exister, ou alors juste au stade d’enfant, est extrêmement curieuse, et pas franchement agréable."
Lire la conférence en entier ici.